a« Quelle vie, riche, fine, forte, débordante » Romain Rolland.
Hector Berlioz (11 décembre 1803- 8 mars 1869) nait à la Côte Saint André, en Isère. Issu d’une vieille famille de marchands tanneurs. Ainé de six enfants, il restera très proche de ses deux sœurs Nanci et Adèle. Son père, médecin novateur, fit connaître l’acupuncture en France.
Hector BERLIOZ, esprit romantique et absolu, a tout du parfait personnage de roman d’aventure !
« Tu seras médecin comme ton père », avait dit sa mère. Pourtant le jeune Berlioz découvre la musique, d’abord en jouant du tambour en pension, avec beaucoup de plaisir. Puis un jour, en fouillant dans un tiroir, il trouve un flageolet. Son père va lui apprendre à en jouer ainsi que de la flûte et de la guitare. Il lui enseignera aussi des rudiments de solfège. Mais Berlioz n’aura pas accès au piano pour ne pas risquer d’être détourné de l’objectif que ses parents lui ont fixé.
Premier coup de foudre. A 12 ans, le jeune Berlioz « ressent une secousse électrique ». Il est amoureux, mais sans espoir, car la jeune fille, Estelle Duboeuf, a 17 ans. Il ne l’oubliera pas et cherchera même à la revoir à la fin de sa vie. Pour elle, il va composer des romances et 2 quintettes après avoir découvert les traités d’harmonie de Rameau et Cotel. « Les essais de composition de mon adolescence portaient l’empreinte d’une mélancolie profonde. Un crêpe noir recouvrait mes pensées. »
Le père d’Hector Berlioz s’est chargé de son instruction. Berlioz aime la géographie, la poésie, le latin (il lira Virgile dans le texte). Après le bac, Hector Berlioz part étudier la médecine à Paris. Le 26 novembre 1821, il assiste à l’Opéra à la représentation d’ « Iphigénie en Tauride » de Gluck. « A moins de m’évanouir, je ne pouvais pas éprouver une impression plus grande. Je jurai en sortant de l’Opéra que je serais musicien ». Contre la volonté de ses parents, il apprend la musique avec J.-F. Lesueur, directeur de la Chapelle Royale. Il ressent une passion instinctive pour Gluck.
Berlioz abandonne la médecine. Son père a cédé. « Si ta vocation est celle de la musique, tu es libre de la suivre ». A Paris, il s’installe au Quartier Latin et publie son premier article de journaliste et critique musical le 12 août 1823 dans « le Corsaire ». Le 7 décembre 1824, il assiste à la première représentation du Freischutz de Weber à l’Odéon. Pour lui, « c’est une apparition » et un enchantement. Il va pénétrer l’âme romantique allemande. Le 10 juillet 1825, il fait exécuter sa Messe Solennelle qui est un succès. Il s’engage comme choriste au Théâtre des Nouveautés et s’inscrit au Conservatoire pour briguer le Prix de Rome qu’il remportera en 1830. Il va vivre des chocs artistiques successifs…
Après avoir découvert Weber et le romantisme allemand à l’Odéon le 7 décembre 1824, c’est Shakespeare, toujours à l’Odéon, le 11 septembre 1827, « qui en tombant sur moi à l’improviste me foudroya ». Au cours de la représentation d’Hamlet par une troupe anglaise, il tombe amoureux de la jeune actrice irlandaise, Harriet Smithson qui joue Ophélie. « Les coups de tonnerre se succèdent ». En 1828, ce sera le bouleversement des symphonies de Beethoven. « Je vis se lever l’immense Beethoven, le roi des rois. »
Fin 1827, à la lecture du premier Faust de Goethe traduit par Gérard de Nerval, Berlioz ressent « une impression étrange et profonde », Il compose en 1828 les Huit scènes de Faust qui seront développées dans La Damnation de Faust. En 1830, à 27 ans, il compose La Symphonie Fantastique op. 14 intitulée « Episode de la vie d’un artiste ». Elle va faire l’admiration de Liszt. Une mélodie appelée « idée fixe » figure la femme aimée. Le texte qui l’accompagne est baptisé « programme ». C’est une œuvre novatrice par l’originalité de l’orchestration, l’audace des effets et la place donnée aux instruments.
Après le succès extraordinaire de la Symphonie Fantastique qui « a été accueillie avec des cris, des trépignements », Berlioz remporte enfin le Premier Grand Prix de Rome avec la cantate Sardanapale, « partition pleine de lieux communs que j’ai été forcé d’écrire pour avoir le prix ». Ce prix était une justification de sa vocation vis à vis de ses parents. Il part donc en Italie le 30 décembre 1830. Il va se réfugier dans la musique et la nature car il a subi un grand dépit amoureux après la trahison de Camille Moke, une jeune pianiste. Il compose « Lelio ou le retour à la vie », « le Roi Lear » et « Harold en Italie » pour alto et orchestre commandé par Paganini.
Il est de retour à Paris le 7 novembre 1832 et va pouvoir enfin épouser Harriet Smithson, aperçue pour la première fois en 1827 alors qu’elle interprétait le rôle d’Ophélie dans Hamlet. Il l’épouse en 1833, Liszt est témoin. « Je ne la quitterai jamais, c’est mon étoile. Elle embellira les derniers temps de ma vie qui, je l’espère, ne sera pas longue. ». Elle sera une grande source d’inspiration pour lui. En 1834 ils s’installent à Montmartre, colline couverte de vignes, et leur fils Louis naît le 14 août. Ils reçoivent leurs amis : Liszt, Chopin, Alfred de Vigny…
Berlioz vit du journalisme, il est critique musical dans le Journal de Débats, le Rénovateur, et la Revue et gazette musicale. Après le succès d’Harold en Italie, il compose des romances et un chœur : Sara la Baigneuse. Il va commencer un opéra inspiré des Mémoires du sculpteur Benvenuto Cellini, admiré en Italie, dont la traduction française a paru en 1833. Deux librettistes : Barbier et Jean de Wailly aidé par Alfred de Vigny. En septembre 1836 il quitte Montmartre pour revenir à Paris.
Grâce à ses relations au Journal des Débats, Berlioz est choisi par le pouvoir pour un Requiem qui sera exécuté pour les victimes de la Révolution de 1830. Cette Grande Messe des Morts est donnée en 1837 aux Invalides sous la direction de Habeneck devant une assistance choisie. Alfred de Vigny dira après le concert : « la musique était belle et bizarre, sauvage, convulsive et douloureuse. » Un ténor solo, plusieurs centaines de choristes, un orchestre géant, 18 contrebasses, 8 paires de timbales et 4 ensembles de cuivres » qui doivent occuper chacun un angle de la grande masse vocale et instrumentale. » Cette œuvre audacieuse est un événement considérable. « C’est un succès qui me popularise », écrit Berlioz.
Berlioz a achevé son opéra Benvenuto Cellini et la Première a lieu le 10 septembre 1838. Malheureusement cette œuvre dérangeante, (il se moque de l’Eglise et des artistes officiels), et trop originale pour l’époque est un échec. « C’est une chute éclatante » qui lui ferme les portes de l’Opéra après seulement trois représentations. Pourtant Berlioz connaît le succès, cette même année, en dirigeant le 16 décembre 1838 « Harold en Italie ». Paganini s’écrie : » Beethoven mort, il n’y avait que Berlioz qui pût le faire renaitre » et lui fait un don de 20.000 francs. Après avoir postulé au Conservatoire, Berlioz est nommé Conservateur-adjoint de la bibliothèque le 11 février 1839 et le 10 mai est fait Chevalier de la Légion d’Honneur.
Berlioz veut écrire pour le public des concerts « une symphonie avec chœurs, solos de chant et récitatif choral, dont le drame de Shakespeare, Roméo et Juliette, serait le sujet sublime et toujours nouveau. » Roméo et Juliette est créé le 24 novembre 1839 sous la direction de Berlioz. C’est un grand succès. Berlioz invente une forme nouvelle : le chant se mêle à la symphonie. Grâce aux instruments de l’orchestre, il fait passer la tristesse, la fête, l’amour fou, la mélancolie. Balzac dira : « c’était un cerveau que votre salle de concert. » Wagner est ébloui : « nous devons honorer Berlioz comme le véritable rédempteur de notre monde musical. »
Le Ministre de l’Intérieur lui passe commande en avril 1840 d’une œuvre destinée à l’inauguration de la colonne de la Bastille pour célébrer le dixième anniversaire de la Révolution de 1830 à Paris. Berlioz compose la Grande Symphonie Funèbre et Triomphale, créée pour un orchestre d’harmonie. Le 28 juillet 1840, il dirige lui-même, en uniforme de la Garde Nationale et en marchant à reculons, une grande fanfare militaire de deux cent musiciens (cuivres, vents et percussions) qui exécute la Marche funèbre, « terrible et désolée ». Cette musique pleine de grandeur fut reprise en salle et fit grande impression. Wagner trouva « la Symphonie grande de la première à la dernière note ». Elle influencera également Bruckner.
En 1841, il écrit « les Nuits d’été », six mélodies pour chant et piano sur des poèmes extraits de « la Comédie de la mort » de Théophile Gautier. Cette œuvre annonce les mélodies françaises de Duparc, Fauré, Chausson, Ravel ainsi que G. Mahler et R. Strauss, ailleurs…Pour Berlioz, ce sont « six morceaux de chant de divers caractères. C’est curieux, mais cela exige une bien grande délicatesse d’exécution. » C’est durant ces années que Berlioz invente le concept de « festival » à l’occasion d’un concert donné à l’Opéra avec 450 exécutants. Il organisera lui-même une série de manifestations musicales autour d’un même lieu et d’une même histoire.
Son union avec Harriet Smithson est un échec. Berlioz décide de partir en tournée en Europe avec sa maîtresse, Marie Recio, une jeune cantatrice de onze ans sa cadette, qui va se révéler très possessive. C’est donc le départ pour Bruxelles le 19 septembre 1842. En décembre il va sillonner l’Allemagne et reçoit partout un excellent accueil en organisant des concerts de ses propres œuvres. De retour à Paris, il mènera double vie, à demi séparé d’Harriet mais très lié à son fils et déjà las de Marie Recio.
Berlioz reprend le journalisme puis publie en 1844 le « Traité d’instrumentation et d’orchestration modernes », dédié à sa Majesté Frédéric Guillaume IV. Cet ouvrage est encore une référence pour tous les compositeurs, car Berlioz a réellement inventé l’orchestre moderne. Il publie également « Le voyage musical en Allemagne et en Italie », de grande qualité littéraire. Toujours en 1844, il crée l’ouverture du « Carnaval romain ». Mais en proie au spleen, il se réfugie dans les voyages et la musique. Déjà en 1842, lors d’un voyage en Allemagne, il avait repensé à Faust. En 1845-6, après une nouvelle tournée en Allemagne et en Europe Centrale, il décide de retravailler les « Huit scènes de Faust » de 1828.
» Le voyage vers le Rhin est une chose admirable et tous ces vieux châteaux, ces ruines, ces montagnes sombres m’ont fait rêver tout éveillé, bercé par les souvenirs des poèmes de Goethe et des contes d’Hoffmann. »Avec le librettiste Almire Gandonnière, il va composer un opéra, la Damnation de Faust. » Je l’écrivais quand je pouvais et où je pouvais ; en voiture, en chemin de fer, sur les bateaux à vapeur, et même dans les villes, malgré les soins divers auxquels m’obligeaient les concerts que j’avais à y donner. »Ce n’est pas un opéra traditionnel mais un opéra de concert : 5 tableaux, 4 actes et un épilogue, une vingtaine de scènes, autant d’atmosphères musicales. Il crée une forme inédite, la légende dramatique, qui fait passer l’auditeur « de la terre aux enfers ». C’est un voyage de la Hongrie aux bords de l’Elbe, du cabinet du Dr Faust à la chambre de Marguerite, de la taverne d’une ville allemande aux abîmes de l’enfer. Pour la scène du Pandoemonium, capitale des Enfers selon le poète John Milton, Berlioz invente le langage des démons : « chœur des démons, chœur en langue infernale » « Je composais ma partition avec une facilité que j’ai bien rarement éprouvée pour mes autres ouvrages. »Il reprend les thèmes du romantisme allemand : contemplation de la nature, passion (entre Faust et Marguerite), fantastique (Méphistophélès, chevauchée infernale ). Œuvre remarquable pour la richesse des chœurs, des mélodies et de l’orchestration. De nombreux extraits : ballet des Sylphes, Menuet des follets, Marche hongroise, sont souvent donnés en concert.Mais créée le 6 décembre 1846, trop originale, c’est l’échec . « Rien dans ma carrière d’artiste ne m’a plus profondément blessé que cette indifférence inattendue » et pourtant La Damnation de Faust sera très appréciée à l’étranger. Après sa mort, elle sera l’œuvre la plus populaire de Berlioz.
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« Laquelle des deux puissances peut élever l’homme aux plus sublimes hauteurs, l’amour ou la musique ? L’amour ne peut pas donner une idée de la musique, la musique peut en donner une de l’amour. Pourquoi séparer l’un de l’autre ? Ce sont les deux ailes de l’âme. » Ces mots, Berlioz en a témoigné tout au long de sa vie.
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L’Enfance du Christ et la Damnation de Faust seront au programme pour fêter avec l’année Berlioz en 2019, ce double anniversaire.
Hector Berlioz (1803-1869) musicien romantique par excellence.
Son œuvre et sa vie passionnée ont été intimement liés. Compositeur, chef d’orchestre, critique musical et homme de lettres, Berlioz fut tout cela à la fois.
Incompris de son vivant, il reste un génie original, maître de l’orchestre et créateur révolutionnaire. Il inventa le genre de la « légende dramatique » avec « L’Enfance du Christ » et « La Damnation de Faust », à mi-chemin entre oratorio, symphonie et opéra.
L’Enfance du Christ, « trilogie sacrée pour solistes, chœur, orchestre et orgue »
Berlioz composa d’abord le chœur de « l’Adieu des bergers à la Sainte Famille » en 1850, au cours d’un dîner entre amis et le présenta sous un pseudonyme. L’accueil du public l’ encouragea à y adjoindre une première partie : « le Songe d’Hérode », qui sera suivie de « La Fuite en Egypte ( avec l’Adieu des bergers) »
Cet oratorio dont les paroles sont aussi de Berlioz fut donné le 10 décembre 1854 sous sa direction et remporta un grand succès. Berlioz y rend hommage aux compositeurs du XVIIe siècle (Glück en particulier) et retrouve l’esprit des noëls de son enfance. Dans une musique « naïve et douce », selon ses propres termes, il y déroule l’histoire de la Sainte Famille, tel un Mystère médiéval, en plusieurs tableaux.
La Damnation de Faust,« Légende dramatique en quatre parties », pour solistes, chœurs et orchestre.
Elle s’inspire du mythe fameux de Faust. Alchimiste qui rêvait de posséder la connaissance universelle, il va conclure un pacte avec le diable (Méphistophélès). En échange de son âme, Faust se voit offrir la jeunesse et une vie de plaisirs.
Berlioz découvre l’œuvre de Goethe grâce à la traduction de Gérard de Nerval et l’adapte avec Almire Gandonnière. Les « Huit scènes de Faust » (1828) deviendront « La Damnation de Faust » en 1845, créée à l’Opéra-Comique de Paris le 6 décembre 1846. Initialement destinée au concert, la partition ne fut adaptée pour la scène qu’après la mort de Berlioz.
Trop novatrice, cette œuvre fut incomprise du vivant de Berlioz, en particulier en France. Pourtant c’est bien un chef-d’œuvre de l’art dramatique romantique. D’un lyrisme désespéré, il reste profondément original par la puissance de son orchestration, la richesse de l’instrumentation et la part très importante accordée aux nombreux chœurs, tour à tour burlesques et tragiques.